Au mieux, tu pourrais t'en sortir sans trop d'égratignures. Au pire, tu te ferais empalée. En pleine course, tu tentes d'échapper à une créature sortie des enfers. Le démon qui te poursuit depuis dix bonnes minutes est de niveau supérieur, et il a une sacré résistance à la glace. Tu maudis ton pouvoir, pour une fois, et tu te rends compte à quel point tu auras besoin de chance pour t'en sortir. Tu tentes de fuir, de le balancer à l'autre bout de la plage. Parce que oui, il fallait qu'il s'en prenne à des innocents en plein lieu publique. Mais il se fait tard, il a bien choisi son heure. Tu le reconnais, il a une once d'intelligence, ce connard. Et il est rapide. Toi, tu t'épuises. Tu n'es pas indestructible, ni surpuissante. Tu es mortelle, même si tu es à demi-démone. Côté de toi auquel tu ne songes presque jamais. Tu ne préfères surtout pas commencer maintenant, et tu te contentes de te retourner, avant de constater que le monstre te saute dessus avec son athamé sans crier gare.
Tu hurles. LÂCHE-MOI ESPÈCE D'IMBÉCILE. Ta colère monte, grimpe en flèche et tu uses de ton accélération moléculaire pour constater que cela ne lui créée qu'une blessure mineure. Bordel, dans quel pétrin t'es-tu encore fourré, Calixa... Tu réussis à lui échapper en lui gelant la tête. Sans son cerveau, il ne pourra plus fonctionner. Ça fonctionne bien, et tu l'ôtes de toi avec ta télékinésie. Épuisée, tu continues de courir, mais le sable est difficile à franchir. Surtout avec des Louboutins, mais tu as décidé de les jeter à la mer, en pensant que tu regretterais fortement ce geste plus tard. Soudainement, tu sens que tu te cognes contre quelque chose. Quelqu'un. Une femme. Tu prends le temps de te relever, et de souffler un peu. Tu admires la femme en face de toi. Elle rayonnerait presque. Et tu la connais, cette demoiselle au joli sourire. Amélia. Amélia! Que fais-tu ici en pleine nuit? Oui, parce que c'est la première question qui te vient en tête alors que vous ne vous êtes pas vues depuis un moment. Tu regardes l'être de lumière. Il y a un démon foutrement puissant à mes trousses. Je ne sais pas d'où il sort, mais pour le moment, il a la tête gelée... J'espère que ça durera. Tu es essoufflée. Tu as du mal à parler, et tu constates que ton bras ainsi que ta jambe ont des blessures assez significatives. Une fois la dose d'adrénaline partie de ton corps, tu faiblis, et tu t'assieds sur le sol, en tentant de ne pas fermer les yeux. Bordel.

Tu es nerveuse. Tu regardes ton amie, qui te renvoie la question de tout à l'heure. Tu lui souris, la regarde avec un petit air abattu et elle te dit qu'elle a été attaquée, elle aussi, mais elle a apporté le nécessaire pour vaincre le démon. Tu souffles. Vous avez une chance de vous en sortir, après tout. Tu la regardes ensuite te soigner, et tu te relèves, dépoussiérant ton jean et ta veste de cuir. Je me baladais sur la plage lorsqu'il m'a attaquée d'un coup. Tu soupires et tu poses tes yeux dans les siens. Avec un peu de chance, ce que tu as apporté fonctionnera. Le voilà. Tu le vois arriver vers vous deux, et d'un coup, il se fige. Il est en colère, et tu le vois dans ses yeux. Sans plus attendre, tu presses Amélia de sortir la formule pour que vous puissiez la lire ensemble, car à deux, elle sera plus forte. Une fois fait, la formule permet à la potion d'agir sur l'être maléfique, qui commence à hurler. Je crois que ça fonctionne. Tu souris bêtement, fière de ton amie et de toi-même. Le démon se désintègre, tu apprécies le spectacle et tu t'assied finalement par terre, dans le sable, pour reprendre un peu d'énergie. Tu m'as sauvée la vie. Merci, Amé. Tu es sincère. Tu lui sers un sourire magnifique, et tu te couches sur le sable. Ça fait longtemps. Tu vas bien?

Tu regardes Amélia avec un éternel sourire sur tes lèvres. Tu ramènes tes mains ensemble pour les réchauffer mais comme d'habitude, elles sont très froides, dû à l'utilisation de ton pouvoir. Elles pourraient presque geler instantanément quelqu'un qui les toucheraient. Tu dois attendre un moment avant qu'elles reprennent leur fraîcheur normale, celle à laquelle tu t'es habituée au fil des années, à force d'user de ton don. La cryokinésie à ses avantages, mais aussi ses désavantages. C'est bien joli de jouer à être Elsa, mais il faut une pause, de temps en temps. Tu rigoles toi-même à cette réflexion, sentant soudainement la fatigue envahir ton corps et tu décides de t'asseoir à nouveau, pour ne pas sombrer aux bras de Morphée ici-même. Ce serait assez ridicule de s'endormir sur la plage, surtout lorsque tu viens de retrouver une amie de longue date. Tu la regardes, tu l'entends te taquiner sur ta vie amoureuse. Tu manques de t'étouffer, tellement tu es surprise par l'affirmation ou la question, tu n'en es pas trop certaine. Tu lèves des yeux rieurs vers elle, et tu lui souris bêtement. Moi, avoir une vie amoureuse? Tu rigoles, entre les cours que je dois préparer et les élèves qui demandent beaucoup de mon temps... Sans parler de ma vie sociale, mais aucune vie amoureuse pour le moment, non. Tu ris encore une fois, car tu sais qu'elle ne te croira pas. Tu lèves les yeux vers le ciel bleuté et étoilé, qui te rappelle les nuits en Grèce. Tes souvenirs remontent à loin, car tu y es restée longtemps. Athènes te manque, malgré tout ce que tu peux faire croire à ton frère et à ceux dont tu es proche. Les gens soupçonnent qu'un bon jour, tu repartiras vers ces terres que tu as longuement foulées, mais que tu resteras aussi un long moment à Vancouver. Sinon, je rencontre de nouvelles personnes à tous les jours à l'école de la magie. Et la Grèce me manque... Cette phrase te fait un effet de couteau en plein cœur. C'est la première fois que tu l'admets à voix haute. Ta mère te manque. Ta maison, ton pays... Tu refoules tes larmes, tu regardes l'horizon pour ne pas qu'Amélia te voit dans cet état.

Tu constates que tu es ridicule. Tu pleures, alors que tu t'étais jurée de ne pas pleurer, ces cinq dernières années. Pourtant, tu as vécu de mauvaises choses. Tu t'es longuement questionnée sur ton identité. Sur ce que tu étais, au fond de toi. Et si tu étais destinée au mal, comme le croit ton frère ? Malgré vos différends, tu lui es toujours restée fidèle. Tu l'aimes de tout ton être. il te rend heureuse, même s'il te pousse à des limites que tu ne veux pas franchir. Tu regardes Amélia, difficilement, qui te dit que tu fais un boulot assez difficile. Tu acquiesces, mais bordel, qu'est-ce que tu l'aimes, ce travail. Mais je l'aime, mon travail. Passionnément, même. Ces jeunes... ils ont besoin d'aide.  Tu écoutes le reste de ses paroles, et tu échappes un rire en essuyant les larmes qui roulent sur tes joues. Ce serait parfait, d'avoir des vacances comme celles-là. Et toi, dis-moi, tu as quelqu'un dans ta vie? Le contraire m'étonnerait. Ton amie était une belle femme, et tu rougis face à son compliment. Je suis persuadée que tu exagères un peu, niveau compliments, ma belle! Tu souris, tu rigoles avec elle. Ça te fait un bien d'enfer et tu l'écoute parler de l'école où tu bosses à temps plein et en heures supplémentaires. Tu souffles. Cet endroit est magnifique. J'adore y être. Et lorsqu'elle te propose de t'emmener en Grèce, un jour, tes yeux s'agrandissent. Qu'est-ce que ça te fait du bien de lui parler, de la retrouver. Elle t'avait tant manquée. Tu es adorable. Ça me fait vraiment plaisir de te voir. Et oui, j'espère aussi pour les démons... Tu la prends dans tes bras, pour lui montrer ton affection, et tu lui colles un baiser amical sur la joue. Tu essuies les dernières larmes qui coulent pour au final rire un peu. Tu adorerais la Grèce. C'est charmant, et tout y semble plus facile... On vit beaucoup de pêche, j'y suis tellement allée souvent avec ma mère... Les paysages sont à couper le souffle. Attends. Tu sors ton portable et tu lui montre une photo de ton frère, Eris, ta mère et toi, à bord d'un magnifique bateau, sur la mer, des poissons à la main. J'ai plein de photos, si tu veux les voir. Je me suis achetée un nouveau téléphone il n'y a pas longtemps, mais j'ai sauvegardé les photos. Ce sont des précieux souvenirs. Tes précieux souvenirs.

Tu regardes ton amie avec un sourire. Tu la vois, là, à tes côtés, alors qu'elle te dit qu'elle a un amoureux. Tu te souviens de lui, enfin, de ce qu'elle t'en a dit. Il avait l'air d'être un homme charmant et selon toi, il avait intérêt à faire attention à Amélia, bien qu'elle sache très bien se défendre toute seule. Mais tu es de nature protectrice, et il ne s'agit que d'un simple avertissement non-dit. Je trouve ça génial. Je suis heureuse pour toi, mon amie. Et promis, motus et bouche cousue. Tu lui fis un clin d'oeil discret, et tu t'engages alors à tenir un secret. Ce ne serait pas difficile pour toi, puisque tu es certaine que ton amie l'aurait fait elle aussi, si tu le lui avais demandée. Tu gardes tes sentiments pour Tyler secrets, et tu ne veux aucunement que personne ne le sache dès maintenant. Et tes pouvoirs, ça va, tu gères? Tu ne trouves pas cela trop difficile à gérer, entre les démons et tes protégés ? Et tu l'écoutes. Tu ne réponds pas toujours, tu te contentes d'hocher la tête et de sourire. Et tu l'entends par la suite parler de son avenir. Ton regard se perd dans la mer profonde qui s'étend à perte de vue devant vous. Tu souris en l'entendant dire qu'elle aimerait des enfants et tu te tournes vers elle. Moi aussi, j'aimerais avoir des enfants, plus tard... Mais il me faut déjà quelqu'un. Tu soupires. Tu penses à l'être de lumière qui hante tes nuits et tes rêves. Tu fermes les yeux. J'ai menti... Je connais quelqu'un. Mais... Rien n'est confirmé. Je ne lui en ai même pas parlé, encore. Tu la regardes, déboussolée. C'est la première fois que tu admets ressentir de l'Amour.

Tu souris à ton amie lorsqu'elle te dit qu'elle est heureuse. Ça te fait chaud au coeur, parce que le bonheur, le vrai, ce n'est pas réel pour tout le monde. Pour toi, par exemple, en ce moment, c'est une illusion. Tu dis aux gens que tu vas bien, que tu es en bon état et pourtant, les questions qui envahissent ton esprit de temps à autre te rebutent. Elles te troublent, t'aiguillent sur ce que pourrait être ton avenir. Tu refuses d'y penser et tu regardes Amelia, bienveillante, et tu poses une main sur son épaule en signe d'amitié. Je suis certaine que nos enfants seront amis. Et je suis heureuse que ça aille bien avec tes dons. Ce n'est pas toujours facile à gérer. Tu lèves à nouveau les yeux au ciel, surtout lorsqu'elle te questionne sur l'homme qui pourrait partager ta vie, d'ici quelques temps. Tu ris d'un ton joyeux et tu as confiance en ce que tu crois. L'homme qui te fait rire à chaque fois qu'il t'appelle, la nuit comme le jour, pourrait peut-être être le bon. Mais elle se maudissait de tomber sous son charme, à lui et son sourire. Tu enroules une mèche de cheveux autour d'un doigt, nerveusement. Il s'appelle Tyler. Il est un être de lumière... À croire que c'est devenu coutume d'en tomber amoureuse... Mais ce n'est pas le mien. Tu souris, parce que ainsi, la relation te paraît moins interdite, moins désobéissante. Tu n'aimes pas saccager les règles de conduite et tu préfères t'en tenir au respect. On s'est connus il y a un moment. Quelques mois, je pense. Il veille sur moi. Peut-être était-il en train de t'observer, en ce moment. Tu ne saurais dire si cette pensée te troublait ou te faisait sourire.